Sur le passé, le progrès, l’avenir…

et le “début de l’infini”

Willy
15 min readMar 16, 2021
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Il y a 14 milliards d’années environ apparaissait ce que l’on appelle aujourd’hui “l’univers”, tout ce qui nous entoure de près et (surtout) de loin. Notre planète a émergé quant à elle il y a 4 milliards d’années et nous pouvons nous considérer comme les heureux gagnants d’une sorte de “loterie cosmique”, comme nous le rappelle le biologiste Richard Dawkins. Parmi un nombre inimaginable de combinaisons, notre code génétique a réussi à se développer à partir d’un simple atome de carbone. Par un processus d’itérations, cet atome a permis le développement de toutes sortes d’organismes vivants que nous connaissons aujourd’hui, dans un environnement favorable à son développement : la planète Terre. Ce qu’il est important de noter, c’est que notre univers n’a produit qu’une infime proportion des formes de vies qu’il aurait été possible d’imaginer et par conséquent, des lois de la physique auxquelles elles obéissent.

Tout ceci fut rendu possible car ces évolutions ont respecté les règles définies par ces lois : ce sont elles qui régissent l’ensemble de l’Univers et qui dictent d’une certaine manière ce qui est possible et ce qui ne l’est pas. A l’échelle de l’humanité, ce n’est que récemment que nous avons pris conscience de leur importance et de leur impact sur notre environnement. C’est à partir de ce moment-là que l’on a commencé à parler de progrès. La puissance de ces lois permet aujourd’hui à certains scientifiques d’expliquer que les possibilités liées au développement de notre espèce sont potentiellement inépuisables tant qu’elles respectent ces principes.

Dans son ouvrage « The Beginning of Infinity », le physicien David Deutsch nous présente l’ensemble des explications qui ont transformé la manière dont nous appréhendons le monde dans lequel nous vivons et la place du progrès dans l’Histoire. Son constat principal repose sur le fait que la connaissance ne fait qu’évoluer au fil du temps et nous permet constamment d’expliquer de nouvelles choses. Il s’agit cependant d’un processus perpétuel qui ne connaît pas de fin, c’est pourquoi nous nous trouverons toujours selon l’auteur, au “début de l’infini”.

Pour mieux comprendre ce principe et celui de progrès, il nous faut d’abord étudier notre Histoire afin de comprendre comment l’espèce humaine est arrivée à prendre conscience de la portée des explications qu’elle n’a cessé de formuler sur son environnement.

Sur le passé

L’Histoire telle que nous la concevons comme discipline ou champ d’étude, ne débute qu’avec l’émergence de l’écriture. En effet, nous sommes incapables d’affirmer des récits de périodes antérieures sans risquer de déformer la réalité, bien que ce soit parfois le cas de récits historiques qui relatent l’Histoire récente…

Préhistoire

La période précédant l’Histoire représente la Préhistoire. Nous sommes en mesure d’expliquer grossièrement ce à quoi ressemblait la vie de nos ancêtres uniquement grâce aux traces qu’ils ont laissé sur leur passage. Si les plus anciens fossiles de l’espèce Homo sapiens semblent dater de près de 300 000 ans, ce n’est qu’à partir de 45 000 ans avant notre ère que l’espèce commença à réellement “progresser” : on appelle cette période le paléolithique.

Cependant, la première réelle “révolution humaine” date d’il y a près de 10 000 ans avant notre ère, avec la période néolithique. Elle est à l’origine des premiers mouvements migratoires ayant permis la sédentarisation et l’émergence de communautés soudées, annonçant les prémices de la communication à grande échelle, rendant notre espèce si différente. Par ailleurs, l’avènement de l’agriculture à cette période représente un effet multiplicateur dans le développement démographique de la population et pour la première fois, l’Homme semble être à même de prendre le contrôle sur son environnement. Le développement d’outillages divers, de l’architecture et des premiers villages, ainsi que l’apparition d’inventions majeures telles que la roue sont quelques-unes des avancées majeures de cette période.

C’est à ce stade que l’on commence à voir émerger ce que l’auteur Steven Johnson appelle les “liquid networks”, des éléments facilitateurs du progrès au cours de l’Histoire. Ils émergent d’abord grâce à la croissance démographique et l’apparition de communautés autour de surfaces agricoles fertiles. Les “réseaux liquides” sont des environnements propices à l’apparition et à la diffusion d’idées où les connexions possibles entre celles-ci sont facilitées par des échanges encouragés entre individus.

Histoire

Dans les denses réseaux créés au sein des communautés et premiers villages, les idées ont ainsi connu plus de facilité à se diffuser. C’est à travers l’émergence des premières idées communes au sein de ces réseaux que l’Histoire a débuté. Avant même l’invention de l’écriture, des livres ou encore de Wikipédia, les “réseaux liquides” de communautés d’individus ont permis l’émergence et la transmission du fil dorénavant sans fin de l’Histoire.

Ce fut ensuite l’ère des civilisations et empires. Suite à l’organisation sociale et économique facilitée par le développement de l’agriculture et le début des échanges entre communautés, on voit apparaître des systèmes beaucoup plus organisés. Parmi les nombreux attributs que développent les Hommes à cette période, s’étalant de 3500 avant J.C. jusqu’aux premiers siècles de la Grèce et de la Rome antique, c’est sûrement la “raison” qui est à l’origine de l’une des révolutions les plus marquantes. Dans un objectif visant à mieux comprendre son environnement, l’Homme va développer des fictions subjectives, qui reposent à la fois sur une pensée abstraite et des concepts plus ou moins concrets, partagés par une majorité de la population d’une même communauté. Parmi celles-ci, la monnaie, le droit, le commerce, mais aussi la philosophie ou la religion. Ces deux dernières sont notoires puisqu’elles ont particulièrement poussé notre espèce à utiliser la raison à des fins réflexives. C’est à l’origine de ce concept qu’émerge le concept d’anthropocentrisme, un premier courant de pensée majeur dans l’Histoire, qui place l’Homme au centre du monde.

Nous pouvons déjà parler de progrès, car les Hommes sont à ce stade en mesure de se représenter dans le temps. Même s’ils n’ont sûrement pas eu conscience de ces évolutions à l’échelle individuelle, cette période fut l’une des plus fructueuses en termes de progrès. De plus, elle s’inscrit dans l’Histoire par l’apparition d’un concept central indissociable de notre espèce : la culture. Il s’agit de l’ensemble des concepts, fictions, rites et coutumes que nous contribuons à créer et qui se diffusent dans le temps et l’espace, depuis l’Antiquité et à l’avenir, probablement jusqu’à l’extinction de notre espèce.

Après l’apogée des empires grecque et romain, la pensée philosophique reste ancrée dans les sociétés qui émergent, malgré le poids incontesté du clergé et de la religion. La chrétienté domine la plupart de l’Europe et tend à s’étendre vers le Moyen-Orient et l’Asie, avec différents empires et le début des croisades. A cette époque, la conception chrétienne n’accorde qu’un rôle secondaire au monde existant et à son développement, mais encourage plutôt l’expansion du clergé à l’échelle de la société, des villes et du point de vue de son emprise sur le monde.

Jusqu’au XIIème siècle, on assiste à une succession de dynasties dans les royaumes occidentaux mais aussi à l’apparition d’empires musulmans qui viennent disputer l’idéologie chrétienne, dominante à cette époque. Il faut attendre le XIIIème siècle pour voir émerger une tendance poussant vers la sécularisation : Thomas d’Aquin est le premier à opérer une synthèse de la religion et de la philosophie, créant ce que l’on appelle la scolastique. C’est en quelques sortes à cette période qu’est née la “pensée moderne”, par une brèche favorisant le développement de la science moderne. C’est avec des principes tels que la négation de la providence universelle de Dieu, l’éternité du monde ou le principe de déterminisme que de nombreuses institutions aujourd’hui centrales dans nos sociétés ont obtenu leur autonomie : villes, universités, corporations commerciales et professionnelles notamment.

La Renaissance qui en découle tient son appellation du fait des nombreuses réformes religieuses qui ont lieu. Avec l’apparition de nouveaux modes de diffusion de l’information, ainsi qu’un changement de représentation du monde et un retour aux fondamentaux de la culture Antique, la pensée philosophique et les courants de pensée tels que l’anthropocentrisme reprennent une place majeure dans la société.

La place de la religion n’y est pas totalement effacée, cependant la pensée “humaniste” qui émerge à cette époque donne une place centrale aux Hommes et à leurs capacités intellectuelles tout en ne niant pas pour autant la foi religieuse. Autre avancée majeure, le développement de l’imprimerie par Gutenberg au XVème siècle, qui permet la diffusion de l’information à grande échelle. Avant cela, seuls les membres du clergé étaient capables de maîtriser l’écriture et sa diffusion était limitée aux quelques universités qui enseignaient la théologie et le droit. L’invention de la cartographie permet quant à elle le développement de l’exploration maritime, laissant place aux “grandes découvertes”, cela renforçant d’autant plus la conscience d’un monde beaucoup plus vaste et d’une identité propre à chaque continent. La découverte du Nouveau Monde permet également le développement de la monnaie et du principe de “mercantilisme”, ainsi que de la notion de richesse à l’échelle des nouvelles “nations”.

Le siècle des Lumières, dit “Enlightenment”, représente une période très particulière, souvent soulignée par les philosophes et historiens comme une révolution à part entière. Ce siècle coïncide avec une prise de conscience universelle des connaissances et des capacités humaines. Marquant l’achèvement d’une révolution primitive puis agricole sur plusieurs millénaires, l’Homme ayant amorcé la domestication du monde, la période autour du XVème siècle marque le début de la révolution scientifique, qui symbolise une période de réflexion profonde sur le sens de la vie. Comme mentionné plus haut, l’écriture tient une place majeure dans l’émergence des Lumières, car c’est la clé du développement des idées à grande échelle.

Ici, nous achevons en quelques sortes ce qui précède le “début de l’infini” selon Deutsch, puisque c’est précisément à cette période que débute la révolution intellectuelle qui nous permettra d’expliquer toutes choses avec une amplitude quasiment infinie. C’est principalement cela qui distingue les “bonnes” explications des règles empiriques sur lesquelles l’Humanité s’est forgée pendant des millénaires.

Sur le progrès

Suite à la chronologie historique des étapes du progrès humain, il s’agit de définir et de représenter ce qu’est le progrès. Le phénomène d’entropie est selon moi celui qui représente le mieux la nature du progrès. Il s’agit du principe à l’origine de la seconde loi de la thermodynamique, l’une des principales lois physiques faisant autorité dans l’Univers.

Physique

Stephen Hawking a lui-même défini l’entropie comme “l’accroissement du désordre (…) qui distingue le passé du futur, donnant ainsi une direction au temps” dans son ouvrage « A Brief History of Time ». De nombreux auteurs ont noté l’intérêt du principe d’entropie car il représente ce qui se rapproche le plus de l’ultime raison pour laquelle l’Homme “lutte” pour sa survie : “déployer l’énergie et l’information nécessaire afin de combattre le courant de l’entropie et imposer de l’ordre dans son environnement” selon Steven Pinker.

Malgré le fait qu’elle soit abstraite, cette notion s’avère intéressante lorsqu’elle est mise en application avec une notion plus claire, comme celle d’innovation. Christopher Langton, chercheur en informatique, a observé il y a quelques années que les systèmes innovants avaient une tendance à graviter à la limite des “contours du chaos”, soit la zone fertile située entre l’ordre méthodique et l’anarchie du désordre.

Finalement, imaginer un monde sans entropie revient à imaginer un environnement dans lequel rien ne vieillit, rien ne se détériore ou ne se casse, mais surtout sans innovation ou créativité, où la notion de temps et le besoin de progrès n’auraient pas lieu d’être.

Au-delà de la notion d’entropie, la physique elle-même dans sa globalité peut, selon certains scientifiques, tout expliquer. Adrian Bejan, expert en thermodynamique, introduit la notion de flux comme principe régulateur des mouvements existants. Selon lui, que ce soit “l’art, les arbres, les Hommes, les organisations ou les structures financières”, tous suivent le principe des flux de la “théorie constructale”, nécessaires afin de préserver les éléments dans le temps et de s’accommoder aux différentes pressions existantes dans l’environnement. Pour reprendre l’exemple de l’innovation, celle-ci ouvre de nouveaux chemins pour que le flux d’idées novatrices puisse générer des opportunités afin de créer plus de mouvements dont tous les individus puissent bénéficier.

Histoire

En complément de la science, nous avons vu que la notion de progrès a pu émerger grâce à l’Histoire et à son alimentation au fil des siècles. Richard Bernstein nous rappelle que les historiens peuvent être vu comme des scientifiques, car “la science s’appuie sur des exercices mentaux de la même manière dont l’histoire s’appuie sur la narration, qui est un outil d’investigation tout aussi efficace”. Le principe est très similaire : “isoler des variables afin de déterminer de quelle manière tel phénomène a eu lieu et en établir ensuite la cause”. L’Histoire nous permet de prendre conscience d’où nous venons et mieux anticiper ou analyser ce vers quoi nous allons, ainsi nous pouvons évaluer la variable mesurant l’intervalle, qui représente le progrès.

David Deutsch, dans son ouvrage, nous explique que la doctrine empirique a fait autorité pendant la majeure partie de l’Histoire. L’homme admettait que ce qu’il percevait par l’intermédiaire de ses sens représentait des évidences universelles. L’Histoire a donc d’abord été écrite via de nombreuses déductions faites à partir de règles empiriques qui paraissent aujourd’hui pour la plupart évidentes ou pour d’autres complètement absurdes. Ce dont nous avons plus de mal à réaliser selon l’auteur, c’est que les 400 dernières années représentent une période très particulière dans l’Histoire. La vitesse à laquelle les changements ont eu lieu fut unique et ce notamment grâce à une communication accrue et une emprise de plus en plus grande sur notre environnement. Ce changement a eu lieu car l’Homme a surpassé le simple fait d’interpréter ce qu’il voit et ce qu’il peut décrire pour aller plus loin dans la fabrication de la connaissance. De la description, nous sommes passés à l’explication, ceci appliqué à tous les champs d’études existants.

Explication

En complément de la chronologie historique et de principes et théories, le progrès a également bénéficié d’un apport cognitif important de la part de l’Homme. C’est d’ailleurs principalement grâce à cela que l’on parle aujourd’hui de progrès. Le développement de modèles mentaux novateurs nous a permis de prendre conscience de l’amplitude de notre réflexion, et de fait, de l’évolution de celle-ci dans le temps.

En termes de connaissance fondamentale, Peter Kaufman nous explique qu’il est possible d’apprendre les éléments les plus fondamentaux en s’intéressant à trois formes universelles de connaissances : la physique et les maths, qui permettent d’expliquer les règles selon lesquelles l’Univers fonctionne, la biologie, par l’intermédiaire de laquelle nous expliquons la manière dont la Terre fonctionne et enfin l’Histoire humaine, nous permettant d’expliquer la manière dont nous fonctionnons et évoluons en tant qu’espèce.

Ceci donne un cadre, une base sur laquelle s’appuyer afin d’expliquer l’évolution et le progrès. Cependant, il est nécessaire de bien comprendre l’évolution des modèles mentaux que nous avons développé pour comprendre notre environnement. C’est sur ce point qu’il semble intéressant de se pencher, car nous sommes parfois aller à reculons sans nous en rendre compte…

  1. L’empirisme fût l’une des premières doctrines philosophiques, qui consiste à déduire des théories de ce que l’on perçoit par l’intermédiaire de nos sens. Cependant, comme l’explique Deutsch dans son ouvrage, les théories scientifiques qui nous ont permis d’évoluer “ne sont pas lisibles dans la nature ni écrites dans nos gènes”. L’empirisme saute l’étape de l’interprétation et se focalise directement sur l’expérience, cependant ce n’est pas la source par laquelle une théorie se doit d’être développée, selon le physicien.
  2. L’inductivisme, qui est venu ensuite, propose d’expliquer des faits ou théories par l’intermédiaire d’expériences passées, sous couvert d’un principe universel selon lequel “le futur ressemble au passé”. Cela permit à une époque de camoufler les explications de théories dites universelles en sautant un vide dépourvu de toute logique, selon le principe d’induction. L’induction se base effectivement sur l’expérience, cependant c’est uniquement le cas pour des expériences perceptibles dont nous constatons la récurrence dans le temps, non pas pour des théories scientifiques complexes régissant l’Univers ou la matière. L’Homme a rêvé pendant des millénaires à l’idée de pouvoir voler, cependant cela ne fut possible que lorsque l’on eut découvert de “bonnes” explications théoriques sur la technique à adopter afin de pouvoir le faire.
  3. Le courant de pensée suivant est celui du faillibilisme, qui consiste à accepter toute croyance ou conviction comme potentiellement “faillible” et s’ouvrir au changement en cas de contradictions et de meilleures justifications. C’est une première étape vers l’ouverture d’esprit nécessaire et amorcée à l’époque des Lumières, qui permet la libre expression des idées et de leur remise en question.
  4. Finalement, ce dont nous avions besoin pour enclencher un accroissement de la connaissance à grande échelle fût la notion à l’origine de la pensée critique : le criticisme. Ce courant de pensée est majeur car il intègre l’idée que toute croyance ou connaissance doit pouvoir être expliquée en étant confrontée à la pensée critique, qui remet alors en question tous ses principes pour s’assurer qu’en faisant varier certains éléments, l’explication reste inchangée et conforte son aspect véridique et universel.

Selon Deutsch, le criticisme représente un autre sens de la notion de “début de l’infini” car il permet de générer des explications au-delà de l’objet pour lequel l’idée était initialement conçue. L’auteur explique que la fabrication de connaissances provient de conjectures alternées avec de la pensée critique : il faut combiner, arranger, altérer ou ajouter aux idées existantes pour créer de nouvelles connaissances. L’auteur prend l’exemple de l’explication des étoiles dans le ciel pour illustrer l’idée que la connaissance que nous en avons aujourd’hui n’est apparue ni n’a été déduite de quoique ce soit, cela a été deviné en alternant expérimentation et pensée critique.

Créativité

En complément, de nombreux auteurs expliquent à quel point la créativité est inhérente au processus de fabrication de la connaissance.

Douglas Hofstadter explique la créativité par la méthode du “jootsing”, qui consiste à “sauter en dehors du système”, comprenez à sortir des sentiers battus. La créativité consiste souvent selon lui en une violation des règles pré-établies. Cependant, il explique qu’il est nécessaire de comprendre le système en premier lieu avant de s’en écarter. Il permet de comprendre le point de départ, le problème à résoudre mais aussi de pouvoir imaginer quelque chose de plus intéressant ou utile. Partir de rien pour faire parler sa créativité n’aurait comme seul résultat un manque flagrant d’inspiration.

La notion de “adjacent possible” introduite par Stuart Kauffman est également très intéressante. Ce concept représente le futur potentiel que laisse planer l’état actuel des choses, notamment de la connaissance. En quelque sorte, “il s’agit d’une carte de toutes les directions vers lesquelles le présent peut évoluer” explique Steven Johnson, dans son ouvrage « Where Good Ideas Come From ». De plus, l’auteur ajoute que la puissance de ce concept réside dans le fait que ses frontières augmentent à mesure que l’on explore les possibilités offertes. Johnson compare ce concept à la formation de la vie sur Terre, “l’apparition d’acides gras qui se sont organisés de manière à voir émerger des cellules, qui elles-mêmes ont ouvert une nouvelle porte pour le code génétique, les mitochondries ou les chloroplastes”.

Finalement, le progrès est à la fois une conception physique, descriptive et mentale de l’évolution humaine. Il réside principalement dans la différence que l’on cultive vis-à-vis d’autres espèces sur le type de connaissance que nous utilisons, sous sa forme explicative quand les autres font appellent à des règles empiriques constatées ou naturellement codées dans des gênes. Nous générons cette connaissance par la conjecture et la pensée critique, développées au cours des précédents millénaires, plutôt que par la variation et la sélection de gènes déjà présents dans notre code génétique. Si l’on s’était appuyé uniquement sur notre génétique pour évoluer, nous n’aurions pu survivre et domestiquer des environnements aussi inhospitaliers que la Vallée du Grand Rift, en Afrique, d’où proviennent certaines des plus vieilles traces de notre existence.

Sur l’avenir

L’avenir enfin, est une promesse de progrès qui évolue à mesure que nous avançons dans l’Histoire. David Deutsch explique que les problèmes que notre espèce rencontre au fil de son évolution sont des éléments auxquels nous ferons face indéfiniment, les uns après les autres à mesure que l’on progresse et ceci pour la bonne cause, car nous ne pouvons pas deviner une connaissance “future”. Cependant, nous pouvons traiter chacun de ces problèmes grâce à notre habileté à générer de la connaissance explicative, car il existe une forte corrélation entre le fait d’expliquer et le fait de contrôler son environnement.

L’universalité est l’un des concepts au cœur de la théorie défendue par Deutsch dans son ouvrage. C’est justement cette capacité à pouvoir expliquer toute chose qui nous permet d’atteindre une universalité, car nous finissons par trouver des solutions aux limites qui semblent s’opposer à nous en premier lieu. Si l’on prend l’exemple du cerveau, celui-ci est universel puisque totalement modulable et réinscriptible. Au même titre que la programmation, dont Deutsch, en complément de la théorie “d’universalité de la programmation”, explique qu’elle peut répliquer quelconque “objet physique défini”, si tant est qu’elle ait la puissance et la mémoire suffisante. C’est l’un des principes de base à l’origine de l’informatique et de l’intelligence artificielle.

Ceci nous amène à l’idée qui résume l’ensemble des propos de l’auteur, consistant à dire que quelconque transformation physique donnée est soit irréalisable car les lois de la nature l’empêchent, soit réalisable, à condition de détenir les connaissances nécessaires.

Il propose pour illustrer ce principe un premier concept irréalisable, tel qu’une communication plus rapide que la vitesse de la lumière, ne respectant pas certains principes des lois naturelles, un autre pouvant se réaliser spontanément, tel que la formation d’étoiles ou d’hydrogène, et un dernier concept réalisable uniquement lorsque la connaissance requise est présente, tel que la conversion de matières premières en un télescope ou un ordinateur par exemple.

Aujourd’hui, après avoir appréhendé les lois naturelles et pris le contrôle de notre environnement, nous nous dirigeons vers une nouvelle ère à l’aube de laquelle nous ferons face à des entités artificielles, qui pourraient prendre la forme de réseaux informatiques, d’objets voire même d’organismes.

Robbert Dijkgraaf explique que ceci fait partie “d’un changement beaucoup plus important de la portée de la science, depuis l’étude de ce qu’il en est vers l’étude de ce qu’il pourrait être”. Le mathématicien Norbert Wiener, quant à lui, explique que “le progrès n’impose pas seulement de nouvelles possibilités, mais également de nouvelles restrictions”. Malgré l’aspect pessimiste de son propos, il nuance ceci en expliquant que cela sera périlleux seulement si nous n’adaptons pas nos besoins aux environnements changeants et aux nouveaux moyens à notre disposition pour nous y adapter. Selon lui, “nous avons du temps devant nous avant que notre espèce disparaisse, bien que nous soyons tous nés pour mourir”…

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